La plateforme de recherche en mer de Java à partir de laquelle travaillaient les deux plongeurs arrêtés, en novembre 2004
"Il s'agit d'un non-respect de la liberté et des droits de l'Homme", s'est offusqué Jean-Paul Blancan dans un entretien téléphonique avec l'AFP.
Depuis trente ans ce professionnel vivant dans la région de Marseille (sud de la France) a ratissé des épaves de l'Egypte à Cuba en passant par les Philippines.
Son dernier chantier archéologique a été le plus dense: durant dix-huit mois par 55 mètres de fond, il a pris part à la remontée d'une cargaison inestimable de la mer de Java.
Mais M. Blancan a été interpellé le 8 mars à l'aube à Jakarta avec un autre plongeur de l'équipe, Fred Dobberphul, de nationalité allemande.
Les deux hommes risquent jusqu'à 10 ans de prison pour avoir travaillé, affirme la police, sans permis. Mais selon les ambassades d'Allemagne et de France à Jakarta la campagne de fouilles disposait d'autorisations écrites de "toutes les administrations (indonésiennes) concernées", soit pas moins de onze ministères.
La chancellerie française a adressé une note de protestation au gouvernement indonésien considérant que l'arrestation de M. Blancan avait été "arbitraire". L'ambassadeur de France à Jakarta, Renaud Vignal, a lui-même entrepris des démarches auprès du ministère des Affaires étrangères indonésien.
Selon le responsable belge du chantier archéologique, entamé il y a deux ans avec un partenaire indonésien, une puissante société d'excavation concurrente tente de s'approprier les produits des fouilles, avec le soutien de la police indonésienne connue pour être aisément corruptible.
"Nous avons toutes les preuves que la société PT Torr est derrière ça car c'est elle qui a déposé plainte", a déclaré lundi à l'AFP Luc Heymans.
D'après lui PT Torr a été impliquée dans des chantiers suspects notamment avec le très controversé Michael Hatcher, un chasseur de trésor australien accusé de pillages.
M. Blancan a affirmé qu'un policier à qui il avait dit "vous savez que je suis innocent" lui a répondu "je sais, mais c'est politique".
"C'est surtout la cargaison qui les intéresse, le travail scientifique ils s'en fichent royalement", a poursuivi le plongeur.
La cargaison du navire coulé à l'époque des Cinq Dynasties chinoises (907-960) en mer de Java s'est en effet révélée exceptionnelle: 250.000 porcelaines et céramiques, des objets en bronze ou en or apportés par des marchands arabes et des milliers de perles, rubis, saphirs et grenats.
L'ensemble a été estimé au bas mot à plusieurs dizaines de millions d'euros. Les richesses croupissent dans des conteneurs gardés par la police dans un entrepôt de Jakarta.
Divers scientifiques ont exprimé leurs craintes que les pièces stockées ne subissent des dommages irrémédiables si elles ne sont pas traitées rapidement. Des objets portant des calligraphies arabes seraient la première preuve de l'arrivée de l'islam en Asie du Sud-Est.
Les financiers européens du chantier, qui avaient prévu de partager avec le gouvernement indonésien la vente des richesses de l'épave, ont mis trois cabinets d'avocats, à Genève, Bruxelles et Jakarta, sur l'affaire. Pour l'instant ils ont investi 5 millions de dollars, qu'ils risquent de perdre.
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