Vous croisez Mamadou, votre voisin du 6ème, un peu plus soucieux et triste que d’habitude, alors vous lui demandez si ça va. Trois ans qu’il n’a pas vu sa femme et ses enfants et qu’il vous parle de les faire venir en France un jour. Il y a 6 mois, il vous avait invité à sa fête car il venait enfin d’être régularisé. Cela lui faisait plaisir aussi d’avoir décroché ce 30m² après tant de galère, c’était indispensable pour présenter une demande de regroupement familial. Pour autant, il n’est même pas sûr que son logement sera acceptable pour que le dossier aboutisse. Seulement, il doit encore attendre un an avant de faire une demande de regroupement, et elle peut être refusée. Pire, il n’est vraiment pas sûr que son pays fasse parvenir les pièces d’état civil nécessaires. Ses amis maliens lui ont dit que cela pouvait prendre des années. Alors, évidemment, il finit par se dire que cette loi ne lui laisse aucune chance de revoir sa famille avant longtemps...surtout qu’il doit la faire venir en une fois.
Thomas, un de vos amis, est tombé fou amoureux d’Elena lors d’un voyage en Ukraine. Après plusieurs allers-retours, Elena est venue en France avec un visa de tourisme et ils se sont mariés. Il pensait que c’était simple qu’elle obtienne un titre de séjour suite à leur mariage. Erreur !! Sa femme est allée à la préfecture pour obtenir un titre de séjour, son visa de tourisme ayant expiré quelques jours auparavant. Mais avec la loi de 2006 ce n’est plus possible. Désormais, pour vivre en France légalement, Elena n’a pas eu d’autre solution que de repartir en Ukraine et de demander un visa de long séjour. Sauf que Thomas vous annonce ce soir qu’elle en est à sa troisième demande sans réponse. Et, si elle finit par l’obtenir, trois ans de mariage (au lieu de deux avant) et la preuve de son intégration leur seront nécessaires pour qu’elle obtienne une carte de résident. Autant dire qu’on dissuade toute personne de se marier avec un étranger dans ces conditions !
Ce soir, vous êtes restés plus tard que d’habitude au boulot, Vous croisez Oury qui vient faire le ménage tous les soirs dans votre entreprise. Vous le connaissez bien, vous discutez souvent ensemble : chaque fois qu’il vous reste des dossiers à terminer. Ce soir, il vous paraît bouleversé. Vous le questionnez. Se sentant en confiance, il vous dit qu’il est sans-papiers. Il n’a pas revu sa famille depuis 1997, date à laquelle il est arrivé en France. Il pensait être régularisé l’année prochaine en prouvant ses dix années de présence et enfin faire venir auprès de lui sa femme et ses enfants. Seulement, la loi est passée aujourd’hui, le droit à une régularisation après 10 ans de présence n’existe plus. Désormais, ses papiers dépendent de l’arbitraire d’une administration poussée chaque jour à multiplier les refus et les expulsions. Oury peut bien rester 30 ans en France, ce sera toujours pareil.
Comme tous les jours, vous déjeunez avec votre collègue Paola. Elle a été embauchée pour une durée d’un an non renouvelable, selon une procédure prévue par la nouvelle loi. Depuis 2 mois, vous êtes la seule personne à qui elle ose parler du cauchemar quotidien qu’elle vit, en raison du harcèlement sexuel dont elle est victime par son directeur. Vous lui avez dit que des lois existent pour la protéger. Comme elle l’a prévenu qu’elle allait porter plainte s’il n’arrêtait pas, son directeur lui a annoncé, du coup, qu’elle sera licenciée. En fait, Paola pourrait l’attaquer en justice pour harcèlement mais le licenciement met fin à son droit à un titre de séjour depuis la loi de 2006...Elle sera loin avant de voir l’issue du procès, et son employeur le sait. Vous n’aviez pas réalisé que Paola était à ce point sur un siège éjectable, et que sa vie en France ne dépendait que du bon vouloir de ses employeurs...
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