Chine : l'empire des mauvaises manières
Bruno Birolli - Le Nouvel Observateur
Semaine du jeudi 11 mai 2006 - n°2166 - Notre époque
Le gouvernement a décidé d'enseigner les rudiments de la politesse à sa population avant les jeux Olympiques de Pékin en 2008. Vaste programme...
Extrait :
Entre deux gorgées d'earl grey, June Yamada explique qu'elle tourne un programme hebdomadaire pour la télé qui sera diffusé à partir de juin, que le guide où elle décrit la façon correcte de tenir sa fourchette ou de s'adresser à une dame a passé la barre des 10 000 exemplaires. Elle enseigne aux messieurs, lors de cours particuliers, qu'un cendrier n'est pas un crachoir, qu'il faut éteindre sa cigarette avant d'entrer dans une pièce, et aux dames comment s'asseoir en croisant les jambes. Le prix est exorbitant : 100 euros l'heure, plus que le salaire mensuel d'un manoeuvre.
«Les Chinois n'ont pas de bonnes manières parce qu'ils sont égoïstes. Pour eux n'existe que wo (je)! C'est à cause de leur histoire. Quand des gens ne sont pas sûrs d'avoir un bol de riz chaque soir avant de se coucher, quand la priorité est de survivre un jour de plus, le savoir-vivre est le cadet des soucis! concède-t-elle. Mais ce n'est pas une excuse pour ne pas s'améliorer!»
«le problème dépasse les bornes en Chine! Où avez-vous vu autre part des mangeurs cracher leurs os de poulet sur la table au lieu de les déposer discrètement dans leur assiette? Ou avez-vous vu des gens jouer des coudes pour entrer dans un ascenseur alors qu'il y a assez de place pour tout le monde?» Les Chinois ont cependant une politesse à eux dont les nuances sont parfois difficiles à saisir. Ce qui peut nous sembler pure goujaterie sera pour eux du raffinement. Pour fêter un invité, il faut le faire boire jusqu'à ce qu'il titube. Si le lendemain il n'est pas terrassé par une gueule de bois, le repas aura été indigne de lui.
La Fédération des Femmes chinoises est mobilisée. Cinq cents volontaires visitent les comités de quartiers pour expliquer qu'il est important de dire bonjour, qu'il est mal de se bousculer pour monter dans le métro, de resquiller pour ne pas faire la queue à la banque, d'aspirer bruyamment ses nouilles, de traîner sur le pas de sa porte en pyjama... Pour changer les Shanghaiens, les enseignants sont envoyés en cours du soir pour qu'ensuite ils fassent entrer dans la tête d'un million d'élèves qu'il faut cesser de brailler lorsqu'on croise un étranger comme s'il était un singe...
Objectif : les jeux Olympiques de Pékin en 2008. C'est à l'occasion de ceux de Tokyo de 1964 que les Japonais s'étaient débarrassés de leur fâcheuse habitude de cracher dans la rue.
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