Pour manger, un salarié sur dix a recours aux associations
par Fabrice TASSEL
Liberation : samedi 17 juin 2006
Plus fort que bien des discours sur la paupérisation des classes populaires et moyennes, ces chiffres issus d'une enquête réalisée auprès des personnes faisant appel aux banques alimentaires (1) : une personne sur dix est salariée, 16 % touchent une retraite, 67 % d'entre elles disposent d'un logement durable, 24 % sont hébergées, une personne sur dix seulement vit sans logement. Ces données démontent l'idée reçue qui voudrait que les personnes ayant des difficultés à se nourrir soient toutes exclues et privées des besoins élémentaires. «Les couches de la population ayant recours à l'aide alimentaire augmentent. C'est le constat d'un environnement social dégradé, voire délabré», lâche Pierre de Poret, président de la Fédération française des banques alimentaires (FFBA).
Allongement. Parmi les catégories dont les besoins sont croissants, figurent les familles monoparentales, dont une sur quatre fréquente le réseau de la FFBA. Les femmes vivant seules avec un jeune enfant et se débrouillant avec un petit boulot sont les plus nombreuses. Une autre partie des habitués de ce type d'aide sont les moins de 26 ans (notamment en Ile-de-France) et les plus de 70 ans. Catégories les plus fragilisées de la population. L'allongement de la durée de l'appel à cette aide est un autre signal fort : une personne sur deux y a recours depuis plus d'un an, et une sur trois se fait aider depuis plus de deux ans. Un dernier chiffre : 72 % des personnes accueillies sont françaises.
La demande croissante des agriculteurs interpelle aussi la FFBA. «La pauvreté dans les zones rurales semble bel et bien progresser, relève Pierre de Poret. Il semble que les solidarités traditionnelles de la famille et du voisinage jouent moins. L'isolement y est plus grand que par le passé.» A la campagne apparaît une demande d'aide qui va au-delà de la nourriture.
Selon l'étude du CSA, «huit associations sur dix ont mis en avant un objectif dépassant le cadre de l'aide alimentaire, comme l'aide à l'intégration sociale, à la reconstruction personnelle ou aux soins de santé». Certaines personnes viennent dans le réseau des banques alimentaires pour signaler une détresse sociale ou financière.
Même si le besoin alimentaire n'apparaît pas prioritaire, les associations donnent de la nourriture pour que la personne réalise une économie sur ce poste budgétaire, permettant ainsi de faire face à d'autres dépenses comme le loyer ou l'achat de vêtements.
Symptômes d'une crise sociale profonde, bien des associations ont dû élargir leur périmètre d'intervention au-delà du seul don de nourriture.
Soutien scolaire. Elles fournissent aussi des vêtements, donnent des conseils pour des démarches administratives, pratiquent le soutien scolaire, ou encore proposent des ateliers (bricolage, couture, lecture). «D'ailleurs, souligne Pierre de Poret, les associations demandent une aide plus grande de la part des collectivités territoriales, car elles ont le sentiment d'assurer une part de l'aide sociale qui incombe à l'Etat.»
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