samedi, octobre 20, 2007
Une scene de crime
La tenue du 17e congrès du Parti communiste chinois (PCC), à l'ouverture duquel le chef du parti et président de la République, Hu Jintao, a prononcé, le 15 octobre, un discours où il a mentionné soixante fois le mot "démocratie", provoque un excès de zèle de la police : ceux, dissidents et défenseurs des droits de l'homme, qui pourraient profiter de l'occasion pour gâcher la grand-messe quinquennale du PCC sont écartés, placés en résidence surveillée, parfois brutalisés.
Zhou Li, une femme de 39 ans, enceinte de plusieurs mois, est une activiste du quartier situé près du célèbre temple du Ciel, une zone où les promoteurs, en cheville avec les autorités municipales, vont faire expulser des milliers de personnes, raser des dizaines de rues pour transformer ce coin populaire du Vieux Pékin en de vastes galeries commerciales. Depuis des mois, elle s'emploie à convaincre les gens de ne pas céder aux compensations financières inadéquates, et appelle à la résistance.
Avant même le début du congrès, elle et ses voisins de la petite cour carrée traditionnelle où elle loge ont commencé à subir le harcèlement des policiers. Deux autres activistes très connus habitent dans la même maison : Sun Xiaodi, un militant écologiste qui a dénoncé la production d'uranium dans la province du Gansu, et Hua Huiqi, chrétien "clandestin" qui appartient à une secte protestante interdite.
Il y a une semaine, ce dernier a été violemment battu devant chez lui par des voyous à la solde de la police. Mercredi, lors de notre rencontre avec Zhou Li, il venait encore d'être brutalisé pour avoir osé, raconte-t-elle, "aller aux toilettes publiques dans la rue". "Les policiers ne laissent plus sortir personne de la maison. Ils ont fini par m'accompagner à l'hôpital pour que je puisse subir des examens, puisque je suis enceinte", dit-elle.
Dans la cour, ce mercredi 18 octobre, c'est l'émotion : la propriétaire, une dame aux cheveux blancs, agenouillée, se prosterne en se tapant le front sur le sol. Elle hurle, désignant deux jeunes hommes : "Ce sont eux qui nous frappent, ce sont eux qui répriment les petites gens comme nous." Trois policiers en civils sont là, vêtus de noir, le visage fermé.
Quelques instants plus tard, une demi-douzaine d'agents, en uniforme cette fois, dont plusieurs officiers et un fonctionnaire s'exprimant dans un anglais correct, font irruption dans la cour, demandent leurs papiers aux deux journalistes présents. Qui seront empêchés de faire leur travail d'enquête alors que Hua Huiqi gît, à moitié inconscient, dans l'une des pièces de la petite cour. On est prié, courtoisement mais fermement, de déguerpir et la police entoure le quartier d'un ruban de plastique jaune qui délimite d'ordinaire une scène de crime. Le piège s'est refermé sur les résistants du temple du Ciel.
Avant l'incident, dans un fast-food situé près de la place Tiananmen, Zhou Li confiait son désabusement : "Je n'ai pas confiance dans le Parti communiste, et Hu Jintao peut bien faire de belles promesses, il est impuissant à changer les choses..."
Depuis plusieurs semaines, la répression contre les défenseurs des droits de l'homme s'est accrue, mobilisant, selon le militant Hu Jia, lui-même en résidence surveillée, "des forces plus importantes qu'à l'ordinaire". Il raconte qu'une quinzaine de policiers campent jour et nuit dans le couloir de son immeuble. L'avocat Gao Zhisheng, connu notamment pour sa défense des membres de la secte interdite du Falun Gong, a disparu depuis des semaines. Un de ses collègues, Li Heping, a été enlevé et passé à tabac par des hommes de main.
Dans la province centrale du Hubei, par ailleurs, deux activistes très connus, Yao Lifa et Lu Banglie, ont "disparu" peu avant l'ouverture du congrès du PCC.
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