mercredi, mars 14, 2007

Chiraquie

Les cinq procès de la Chiraquie et une affaire encore en suspens
par Gérard Davet
Le Monde
Mardi 13 mars 2007


SA PRÉSIDENCE aura permis de préciser un concept : l’immunité présidentielle. Jacques Chirac, tout au long de ses douze années à l’Elysée, a suscité l’intérêt des juges, principalement en tant qu’ancien maire de Paris (1977-1995) et de président du RPR (1976-1994). Mais aussi comme président de la République, puisque l’affaire Clearstream a failli, en 2006, atteindre le sommet de l’Etat : le général Philippe Rondot avait relaté, dans ses notes, que Dominique de Villepin prétendait agir sur « instruction » de M. Chirac.

Depuis 1995, l’ombre de Jacques Chirac a donc hanté bien des salles d’audience. Les marchés truqués de la Ville de Paris, en septembre 2000. Puis le financement occulte du RPR, en septembre 2003, et les marchés publics d’Ile-de-France, en mars 2005. Enfin, le procès de l’affaire dite des HLM de Paris et celui des faux électeurs du 3e arrondissement, en 2006.

Cinq procès de la Chiraquie, avec un dénominateur commun : l’absence de M. Chirac, pour cause d’immunité pénale reconnue par le Conseil constitutionnel en 1999 et confirmée en 2001 par un arrêt de la Cour de cassation. Seule victime reconnue, au final : Alain Juppé, condamné en appel en 2004 à quatorze mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité.

Pour autant, et même si les investigations sur la Sempap, une société d’économie mixte chargée jusqu’en 1996 des travaux d’impression de la mairie, et sur les chargés de mission de la Ville de Paris pourraient l’atteindre, Jacques Chirac a principalement à redouter d’une enquête mise en sommeil au tribunal de Nanterre. Cette affaire, la prise en charge de permanents du RPR par des entreprises privées ou la Mairie de Paris, entre 1988 et 1995, a débouché sur le procès qui a
abouti à la condamnation d’Alain Juppé.

« Système délictueux »
C’est au cours de cette procédure, ouverte en 1996 au cabinet du juge Patrick Desmure, à Nanterre, que fut saisie une lettre, signée de la main de M. Chirac, attestant la parfaite connaissance, par l’ex-maire de Paris, d’un système de prise en charge par la municipalité de permanents du RPR.

Dans ce courrier, daté du 16 mars 1993, il demandait la promotion d’une secrétaire au sein des services municipaux, en soulignant le « dévouement exemplaire » dont elle avait fait preuve dans les « fonctions délicates » qu’elle exerçait… au RPR. Dans un rapport daté du 25 mars 1999, la direction centrale de la police judiciaire dénonçait l’existence d’« un système délictueux opéré avec l’aval de ses instances dirigeantes ».

Dans une ordonnance du 15 avril 1999, M. Desmure a estimé avoir réuni « à l’encontre » du chef de l’Etat « des indices, au sens de l’article 105 du code de procédure pénale, d’avoir participé aux faits de prise illégale d’intérêts et de recel d’abus de biens sociaux ». Seule l’immunité dont bénéficie le président de la République a épargné à M. Chirac une mise en examen.

Dès l’instant où il quittera l’Elysée, le juge Alain Philibeaux, qui a succédé à M. Desmure, pourra reprendre le cours de son instruction. M. Chirac pourrait alors être mis en examen pour « prise illégale d’intérêts ».





Extrait :
Cet hommage et ceux d'autres dirigeants européens sont restés mesurés. Le retrait du chef de l'Etat français, qui a occupé l'avant-scène européenne pendant les douze ans de ses deux mandats, a suscité dans la presse européenne de nombreux commentaires généralement critiques sur son bilan. Celle-ci trace le portrait d'un "bulldozer", qui a défendu avec opiniâtreté ce qu'il concevait comme les intérêts de la France, mais laisse au bout du compte une image de confusion sur ce qu'il a cherché à faire.

La Libre Belgique évoque "un président si français". "L'homme d'Etat a eu des paroles justes et fortes - que même Mitterrand n'eut jamais le cran de prononcer - sur le passé colonial et vichyste de son pays. Des positions courageuses et opportunes sur plusieurs dossiers internationaux (...). Mais il a aussi ses zones d'ombre affairistes. Sa propension effarante aux beaux discours non suivis d'effets (...). Surtout, on a vraiment du mal à trouver une ligne politique claire à cet homme qui, en quarante ans, a vraiment dit tout et son contraire", estime le quotidien belge de centre-droit, qui résume une opinion assez générale.

La presse conservatrice espagnole n'a pas oublié l'engagement du président français contre la guerre d'Irak, appuyée par José María Aznar. M. Chirac "passera à l'histoire pour sa sympathie, la gigantesque dette économique, l'activisme diplomatique, l'inefficacité intérieure (...), le rejet de la guerre d'Irak et l'exercice du pouvoir comme aphrodisiaque absolu", écrit le correspondant à Paris du quotidien El Mundo Rubén Amón.

"La France mérite mieux" : sous ce titre critique, le quotidien britannique Daily Telegraph (conservateur) juge sévèrement l'action du président de la République : "La coutume veut que l'on dise de gentilles choses quand les gens prennent leur retraite, mais, dans le cas du président Chirac, ce n'est pas facile." Qualifiant le locataire de l'Elysée de "vieux coquin", le plus grand tirage de la presse quotidienne sérieuse conclut : "On dit qu'en démocratie, le peuple a les dirigeants qu'il mérite. Les Français méritent mieux." La gauche n'est pas plus tendre : "Un charmeur accusé d'avoir laissé la France en déclin", proclame le Guardian. "Un héritage limité pour le bulldozer Chirac", juge le Financial Times, estimant qu'à part son soutien à l'agriculture, le chiraquisme "ne veut pas dire grand-chose".



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