samedi, août 12, 2006

Les bobos sont cosmopolites mais avec des limites




Extrait :

La diplomatie britannique a fait de l'islam un axe majeur de son action. Au Foreign Office, une section spéciale, créée après les attentats du 7 juillet 2005, a pour nom "Engaging with the Islamic World". "C'est un instrument de diplomatie publique en direction du monde musulman, explique un diplomate français. Les Britanniques sont soucieux d'améliorer leur image, après leur participation à la guerre en Irak." Cette communication s'adresse également à la communauté musulmane en Grande-Bretagne. Elle vise à montrer que la politique britannique à l'égard du monde musulman ne se résume pas à la question irakienne et que le gouvernement de Sa Majesté considère l'islam avec bienveillance. Le pragmatisme des Anglais les conduit même à entretenir des relations avec des personnalités influentes, mais jugées peu fréquentables en Occident, comme Youssouf Al-Qaradawi, qui soutient les attentats-suicides dans les territoires palestiniens.

Au cours des débats qui ont précédé la déclaration finale, l'interdiction du voile dans les écoles en France a été souvent évoquée comme une forme de discrimination. Visiblement, la loi française n'a pas été suffisamment expliquée dans le monde musulman. Controversé en France, Tariq Ramadan n'en a pas moins défendu le modèle français : "Il ne faut pas comparer les modèles et dire que le britannique est supérieur au français, a-t-il lancé. Il faut juger chaque modèle selon ses propres principes et protester lorsqu'il y a un écart entre les principes et la pratique."

L'ambassade de Grande-Bretagne multiplie les contacts avec les organisations musulmanes françaises. Lhaj Thami Brèze et Fouad Alaoui, les deux dirigeants de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), ont des relations régulières avec ses diplomates. Par comparaison, M. Brèze, qui est pourtant président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) en Ile-de-France n'a jamais été reçu par le maire de Paris, Bertrand Delanoë.

La politique française de relations avec le monde musulman est plus frileuse. Le gouvernement semble privilégier les relations avec l'islam officiel, étroitement contrôlé par les Etats. Successivement, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, lorsqu'ils étaient ministres de l'intérieur, et Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, ont rendu visite à l'imam de l'université d'Al-Azhar, au Caire, Mohammed Sayed Tantaoui, dont la représentativité est très contestée par les musulmans. La France aurait pourtant besoin de faire des efforts de communication : d'après un sondage de l'institut américain Pew Research Center, publié en juin, son image s'est beaucoup dégradée dans les pays musulmans, avec par exemple 61 % d'opinions négatives en Turquie. La laïcité à la française n'exclut pas, pourtant, un dialogue avec des responsables religieux : Jacques Chirac a reçu à l'Elysée, le 15 mai, sept patriarches et chefs d'Eglises orientales. A cette occasion, le président de la République a vanté "l'ancienneté et l'étroitesse des liens qui unissent la France" aux communautés chrétiennes d'Orient.

Dans le cadre du "dialogue des civilisations" et de la lutte contre le terrorisme islamiste, plusieurs pays européens entament un dialogue volontariste avec le monde musulman. En avril, l'Autriche a organisé, à Vienne, une conférence européenne des imams. Les musulmans français étaient quasiment absents des débats. A Istanbul, sous l'impulsion des Britanniques, il a été décidé de créer un "forum des organisations musulmanes à l'échelon européen". Un islam d'Europe est en train de voir le jour. Le paradoxe veut que, bien que la France soit le premier pays musulman d'Europe, cet islam s'exprime pour le moment en anglais.

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