vendredi, août 18, 2006

Trafic d'organes Fa Lun Gong : Le Monde se reveille




La persécution, en Chine, des adeptes du mouvement religieux d'inspiration bouddhiste Fa Lun Gong a-t-elle conduit à un trafic d'organes à échelle industrielle ? Les prélèvements d'organes dont seraient victimes des détenus de cette secte interdite seraient l'aboutissement d'un système qui a déjà fait des condamnés à mort la principale source d'organes en Chine. Des milliers d'adeptes du Fa Lun Gong détenus au secret auraient ainsi "approvisionné" les centres de transplantation chinois, dont le nombre aurait beaucoup augmenté dans les années 2000. Date qui coïncide avec le bannissement du Fa Lun Gong en Chine en 1999, après que 10 000 pratiquants du qigong eurent défié le Parti communiste en se rassemblant devant son siège, à Pékin.


Ces allégations, faites en mars par le Fa Lun Gong, sont examinées dans un rapport rédigé par deux personnalités canadiennes indépendantes, David Matas, avocat spécialiste des droits de l'homme, et David Kilgour, ex-secrétaire d'Etat canadien. Traduit en français, ce rapport est disponible sur le site investigation.go.saveinter.net. Bien qu'ils aient été sollicités par une association émanant du Fa Lun Gong, MM. Kilgour et Matas affirment ne pas appartenir au mouvement et ne pas avoir été payés pour leur travail. Ils n'ont pas reçu l'autorisation de se rendre en Chine. Les autorités chinoises rappellent que, en juillet, une nouvelle législation est entrée en vigueur pour réglementer le don d'organes.

Les éléments rassemblés par les deux enquêteurs retracent le violent contexte des campagnes anti-Fa Lun Gong en Chine et le processus de "déshumanisation" à l'oeuvre qui, disent-ils, "favorise les violations de la pire sorte". La création, sur ordre de l'ancien président Jiang Zemin, d'un organisme spécifique chargé de l'"annihilation" de l'ennemi public numéro un, le "bureau 610", doté de tous les pouvoirs, ainsi que l'obligation formelle, pour les provinces, de limiter coûte que coûte le nombre de pétitionnaires du Fa Lun Gong se rendant à Pékin, ont formé les rouages d'une mécanique répressive.

Le rapport se penche sur l'augmentation spectaculaire du nombre de transferts d'organes en Chine (18 500 greffes d'organes enregistrées entre 1994 et 1999 et 60 000 entre 2000 et 2005), les incertitudes sur leur provenance et les témoignages de tests sanguins systématiques effectués sur les détenus du Fa Lun Gong.

Le rapport répertorie les sites Internet d'hôpitaux chinois qui vantent, à l'attention des étrangers, des délais très courts d'obtention d'organes - deux semaines pour un rein alors qu'il faut compter plusieurs années en Occident -, qui ne s'expliqueraient que par l'existence d'un réservoir de donneurs vivants. Les sommes indiquées (67 000 dollars pour un rein, 30 000 pour une cornée), alors que la vente d'organes est interdite en Occident, illustrent l'enjeu du "marché".

Le département d'Etat américain estime que la répression du Fa Lun Gong a fait de quelques centaines à plusieurs milliers de morts.

Au cours de leur enquête, MM. Kilgour et Matas ont eu largement recours aux sources apportées par le Fa Lun Gong. C'est le cas des coups de téléphone passés en Chine depuis mars par des enquêteurs du mouvement, qui, en se faisant passer pour des employés d'hôpitaux auraient réussi à piéger des interlocuteurs chinois qui admettent que les organes provenaient de membres du Fa Lun Gong. Les deux Canadiens disent avoir écouté ces conversations et fait certifier leurs traductions.

Ils ont aussi rencontré le principal témoin, réfugié aux Etats-Unis. C'est l'épouse d'un chirurgien qui aurait prélevé en deux ans 2 000 cornées sur des détenus du Fa Lun Gong, témoignage paru dans un journal du mouvement, La Grande Epoque, et révélant l'existence d'un prétendu "camp de concentration" avec 6 000 prisonniers, à Sujiatun, près de Shenyang.

Le dissident chinois Harry Wu, exilé aux Etats-Unis, qui à travers son association, China Information Center, n'a cessé de récolter des preuves du trafic d'organes en provenance des condamnés à mort en Chine, a exprimé ses doutes à propos du camp de Sujiatun. La guerre de l'information livrée à la Chine par les médias du Fa Lun Gong incite à la prudence. Mais, de leur côté, David Kilgour et David Matas ont promis d' apporter dès septembre de nouveaux éléments.

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