samedi, août 04, 2007

Reincarnation a vendre

J'en suis que bientôt on pourra acheter dans un temple un certificat de résurrection et ainsi les soutenir financièrement.




Au Tibet, il est désormais illégal de se réincarner sans autorisation : le gouvernement chinois vient d'introduire une réglementation originale pour contrôler les vies multiples des fameux "Bouddha vivants" dont les âmes sont censées se réincarner tout au long d'une chaîne ininterrompue de renaissances : les monastères affirmant avoir décelé des "tulkus" (lamas réincarnés) dans leur voisinage devront, à partir du 1er septembre, demander une autorisation au département des affaires religieuses de leur province, seule instance habilitée à approuver de tels phénomènes...


L'affaire est sérieuse : derrière le ridicule apparent d'une telle mesure se cache la volonté du régime chinois de contrôler la religion au Tibet où, en 1951, Pékin envoya son armée réaffirmer sa souveraineté sur ce pays à l'époque indépendant.

Le gouvernement a beau avoir écrasé tout "séparatisme" potentiel alors que plusieurs moines et nonnes bouddhistes rebelles continuent de croupir dans les prisons de la "Région autonome du Tibet", le pouvoir entend bien garder la main sur la façon dont les monastères organisent leur vie religieuse.

La question des réincarnations chez les lamas ou moines tibétains est éminemment politique. Quand, en 1995, il s'était agi de de remplacer le panchen-lama, numéro deux de la hiérarchie bouddhiste tibétaine, il y eut conflit entre Pékin et le gouvernement en exil du dalaï-lama : celui-ci vit en Inde depuis sa fuite du Tibet, en 1959.

Après que ce dernier eut reconnu le jeune Gendun Choekyi Nyima, âgé de 6 ans, comme la 11e réincarnation du panchen, les autorités chinoises s'emparèrent de la tulku. Devenu aujourd'hui un jeune homme, il n'est jamais reparu et nul n'a plus jamais entendu parler ni de lui ni de ses parents. Le régime pékinois décida de choisir un autre "réincarné", un jeune Tibétain élevé à Pékin qu'il exhibe régulièrement dans le pays pour asseoir sa légitimité de grande figure du bouddhisme tibétain...

Un rare incident, que vient de signaler, vendredi 3 août, l'organisation International Campaign for Tibet et Radio Free Asia (RFA), illustre bien à quel point ces affaires de réincarnations ne sont décidément pas anodines : à Lithang, un district tibétain de la province du Sichuan, des centaines de personnes ont récemment été arrêtées après qu'un homme eut publiquement appelé au retour du dalaï-lama au Tibet. Runggye Adak, 53 ans, aurait grimpé sur une estrade érigée à l'occasion d'une course de chevaux, hurlant que la dernière réincarnation du panchen-lama devrait être libérée ! L'homme a été interpellé et la police a dû disperser une manifestation de soutien à l'audacieux orateur en tirant des coups de feu en l'air.

Les visites régulières de délégations envoyées de l'Inde en Chine par le dalaï-lama n'ont donné aucun résultat tangible quant à un éventuel accord entre Pékin et le chef de l'Eglise tibétaine. Ce dernier soutient n'avoir aucune ambition politique, souhaite revenir dans son Tibet "comme un simple moine" et proclame urbi et orbi que le Tibet appartient à la Chine.

Pékin fait la sourde oreille et ne cesse d'accuser le dalaï-lama de "séparatisme", entretenant un dialogue de sourds qui fait penser que les autorités chinoises jouent la montre. A la mort du "pape" tibétain, âgé de 72 ans, le régime pourra choisir sa propre réincarnation de l'"océan de sagesse", assurant sa mainmise définitive sur une religion dont ce dernier reste une personnalité révérée avec passion au Tibet chinois.

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