mardi, septembre 25, 2007
Se realiser au travail
Désamour thérapie
L’ennui et la contrainte ordinaires de la grande entreprise décryptés par un jeune cadre
le Monde Eco du 25/09/2007
C’est un livre qui se lit d’une traite, d’abord parce qu’il est court et ensuite parce qu’il fait du bien. Une petite thérapie à l’usage du dépressif ordinaire au travail, écrite dans un style allègre. L’auteur, jeune polytechnicien et « cadre dirigeant dans une des plus importantes entreprises françaises », a ainsi fait de sa déception personnelle une source d’inspiration jubilatoire. Il décrypte avec acidité la comédie humaine sur le ton de la blague de potache : « Il y a des jours où la vie de bureau donne irrésistiblement envie d’aller vendre des beignets sur la plage, de partir alphabétiser le tiers-monde ou d’investir toute son épargne dans une bergerie. Ce livre n’est pas fait pour vous en dissuader », prévient-il d’un ton grinçant.
L’époque des jeunes cadres dynamiques est bien finie. Pour les trentenaires d’aujourd’hui, la vie de bureau rime plus avec lenteur, ennui, paranoïa ambiante, présentéisme, conformisme… Ciment de l’ensemble : la peur de perdre son emploi et « cet affreux slogan selon lequel il est de notre responsabilité de veiller à notre “employabilité” future (quinze ans de prison ferme pour l’inventeur du néologisme) ». Aux antipodes de la créativité, du dynamisme et du lien social affichés par l’entreprise, « sa réalité bureaucratique est malheureusement tout autre, désincarnée, ennuyeuse et obsessionnelle », dénonce l’auteur.
Il constate la fade déception des jeunes cadres « cruellement appelés moyens » : « En troquant le risque et le plaisir contre la sécurité et la fatigue, nous courons sûrement à notre perte. Ni pauvres ni riches. Ni heureux ni malheureux. Ni soumis ni révoltés. Ni vils ni nobles. Ni pro ni anticapitalistes. Nous voilà, les salariés, les cadres, vaste armée démobilisée et sceptique attendant, sinon le Grand Soir, au moins le soir. » Derrière le ton pamphlétaire, joyeux et détaché, la critique de fond perce cependant : « Enron, Parmalat, Altran, les montants mirobolants empochés par les patrons de Carrefour et de Vinci, les stock-options d’EADS…, autant d’affaires retentissantes qui entachent le monde de l’entreprise dans son ensemble en instillant le doute sur la véracité des comptes et l’intégrité des dirigeants. De quoi donner envie aux jeunes de se lever le matin avec le sentiment de servir de grandes causes… ».
MORT DE PEUR
La vie de bureau
de Teodor Limann
(Ed. Les Empêcheurs de penser en rond, 96 p., 12 EUR)
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